Sylviculture

Le rôle des forêts françaises dans le stockage du carbone

Les forêts françaises captent naturellement environ 88 millions de tonnes de CO2 par an, soit 15% des émissions nationales de gaz à effet de serre.

Ce rôle de puits de carbone est aujourd’hui menacé : la capacité d’absorption s’est réduite de 10% sur la dernière décennie, tandis que la mortalité des arbres a augmenté de 54%.

Face à l’urgence climatique, comprendre et optimiser le stockage du carbone forestier devient un enjeu vital pour les gestionnaires forestiers et les décideurs publics.

À retenir :

  • Les forêts représentent le deuxième plus grand puits de carbone de la planète après les océans, stockant plus de 1 120 gigatonnes de carbone dans leur biomasse et leurs sols.
  • La séquestration du carbone se fait à travers 5 compartiments : biomasse aérienne, racines, sol forestier, litière et bois mort, chacun jouant un rôle spécifique dans ce stockage.
  • Une gestion forestière adaptée peut augmenter jusqu’à 20% la capacité de stockage carbone d’une forêt, notamment via le choix des essences et l’allongement des cycles sylvicoles.
  • La filière forêt-bois française, en incluant le stockage dans les produits bois et les effets de substitution, permet d’éviter l’équivalent de 28% des émissions nationales de CO2.

Sommaire

Un technicien forestier utilise des outils de précision pour surveiller la croissance des arbres et la santé des forêts. Ces données sont cruciales pour évaluer leur contribution au stockage du carbone et à la biodiversité. Une approche essentielle dans la gestion durable des écosystèmes forestiers.
Surveillance forestière : la science au service des arbres

Comprendre le mécanisme de stockage du carbone forestier

Les forêts : un puits de carbone naturel

Les écosystèmes forestiers constituent l’un des mécanismes naturels les plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique.

Contrairement aux technologies de capture artificielle du carbone, les forêts séquestrent gratuitement le CO2 atmosphérique depuis des millions d’années.

En France, la biomasse forestière stocke environ 10% des émissions annuelles de gaz à effet de serre du pays dans un processus d’une remarquable efficacité.

Le processus de séquestration du carbone expliqué

La séquestration du carbone en forêt repose sur un mécanisme biologique précis : la photosynthèse.

Les arbres captent le CO2 présent dans l’atmosphère et, grâce à l’énergie solaire, le transforment en matière organique. Cette conversion permet de stocker durablement le carbone dans les différentes parties de l’arbre et dans le sol forestier.

Une forêt en croissance active peut ainsi séquestrer entre 2 et 15 tonnes de CO2 par hectare et par an, selon les conditions et les essences présentes.

Les différents compartiments de stockage en forêt

Le stockage du carbone en forêt s’effectue selon une répartition complexe entre plusieurs compartiments, chacun jouant un rôle spécifique dans ce stockage. L’efficacité de ce système repose sur leur complémentarité :

La biomasse aérienne, composée des troncs, branches et feuillages, représente environ 30% du carbone stocké. Le système racinaire, souvent sous-estimé, peut contenir jusqu’à 20% du carbone total.

Le sol forestier constitue le plus important réservoir, avec 45% du stockage, principalement sous forme de carbone organique. Enfin, la litière et le bois mort complètent ce système en représentant 5% du stockage total.

Répartition du stockage de carbone en forêt :

CompartimentPourcentage de stockageDurée moyenne de stockage
Biomasse aérienne30%50-200 ans
Système racinaire20%50-200 ans
Sol forestier45%100-1000 ans
Litière et bois mort5%1-10 ans

Cette organisation en compartiments permet une séquestration à la fois efficace et résiliente. Lorsqu’une perturbation affecte l’un des compartiments, les autres peuvent compenser partiellement la perte, assurant ainsi une certaine stabilité du système.

Cette compréhension approfondie des mécanismes de stockage est essentielle pour optimiser la gestion forestière dans une perspective de lutte contre le changement climatique.

La connaissance de ces différents compartiments et de leur fonctionnement permet aux gestionnaires forestiers d’adapter leurs pratiques sylvicoles pour maximiser la capacité de stockage de leurs forêts, tout en maintenant les autres services écosystémiques essentiels qu’elles fournissent.

Vue aérienne d'une forêt française capturant la beauté de la biodiversité avec des arbres aux couleurs variées et une densité impressionnante. Les forêts, véritables poumons verts, jouent un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité.
Les forêts françaises sont un poumon vert absorbant le carbone

La capacité de stockage des forêts françaises

Chiffres et données actuelles

Les forêts françaises constituent un atout majeur dans la lutte contre le changement climatique. Couvrant 31% du territoire national avec 17,1 millions d’hectares, elles séquestrent actuellement 88 millions de tonnes de CO2 par an.

Cette performance représente l’équivalent de 15% des émissions nationales de gaz à effet de serre, faisant de la filière forêt-boisun levier essentiel de notre stratégie climatique.

Cependant, cette capacité de stockage du carbone montre des signes préoccupants d’affaiblissement. La croissance des forêts métropolitaines a diminué de 10% sur la dernière décennie, tandis que la mortalité des arbres a augmenté de 54%.

Dans certaines régions comme la Corse et le Grand Est, les forêts sont même devenues émettrices nettes de CO2, bouleversant leur rôle traditionnel de puits de carbone.

Comparaison des capacités selon les types de forêts

La capacité de séquestration du carbone varie considérablement selon les types de forêts. Les études récentes démontrent que les forêts tempérées et boréales sont actuellement les plus efficaces dans ce processus, particulièrement lorsqu’elles sont jeunes ou d’âge moyen.

Capacité de stockage par type de forêt en France :

Type de forêtCapacité de stockage (tCO2/ha/an)Particularités de stockage
Forêts de résineux11-15Croissance rapide, stockage principalement dans la biomasse
Forêts de feuillus5-10Croissance plus lente, stockage durable
Forêts mixtes8-12Meilleure résilience aux perturbations
Forêts anciennes2-5Stockage stable, principalement dans le sol

Les résineux, comme les sapins de Douglas ou les épicéas, transforment plus rapidement le CO2 en bois grâce à leur croissance rapide.

En revanche, les feuillus comme les hêtres ou les chênes, bien que plus lents à croître, présentent une densité de bois plus élevée et une plus grande longévité, assurant un stockage plus durable.

La répartition du stockage varie également selon le type de forêt. Dans les forêts boréales, 60% du carbone est stocké dans le sol, contre seulement 20% dans la biomasse.

Cette distribution diffère significativement des autres types de forêts, soulignant l’importance d’adapter les stratégies de gestion aux spécificités de chaque écosystème.

L’âge des peuplements joue également un rôle important. Les forêts jeunes (moins de 50 ans) et d’âge moyen (50-140 ans) montrent généralement une capacité de séquestration plus élevée que les forêts anciennes, qui tendent vers un équilibre carbone.

Cette donnée est essentielle pour planifier le renouvellement des peuplements et optimiser la capacité de stockage globale du territoire forestier français.

Ces différences de capacité de stockage soulignent l’importance d’une gestion forestière diversifiée, adaptée aux conditions locales et aux objectifs de séquestration carbone.

La compréhension de ces variations permet aux gestionnaires forestiers d’optimiser leurs choix sylvicoles pour maximiser la contribution de leurs forêts à l’atténuation du changement climatique.

Facteurs influençant le stockage du carbone en forêt

La capacité de séquestration du carbone des forêts n’est pas une donnée figée. Elle varie considérablement en fonction de multiples facteurs qui interagissent de manière complexe au sein des écosystèmes forestiers.

L’âge des peuplements constitue un paramètre déterminant. Les jeunes forêts en pleine croissance (20-50 ans) démontrent généralement la plus forte capacité de séquestration, pouvant atteindre 15 tonnes de CO2 par hectare et par an.

Les peuplements d’âge moyen (50-140 ans) maintiennent un stockage stable mais moins intense, tandis que les forêts anciennes tendent vers un équilibre entre absorption et émission.

Les essences forestières jouent également un rôle prépondérant dans l’efficacité du stockage. Chaque essence présente des caractéristiques propres qui influencent sa capacité à séquestrer le carbone :

Impact des caractéristiques des essences sur le stockage carbone :

CaractéristiqueImpact sur le stockageExemples d’essences
Vitesse de croissanceDétermine le rythme d’absorptionDouglas (rapide), Chêne (lente)
Densité du boisInfluence la quantité stockéeHêtre (dense), Peuplier (légère)
LongévitéAffecte la durée du stockageChêne (longue), Bouleau (courte)
Système racinaireImpact sur le stockage souterrainPin (profond), Épicéa (superficiel)

Les conditions climatiques exercent une influence majeure sur le processus de stockage du carbone. La température, les précipitations et la durée de la saison de végétation déterminent directement l’activité photosynthétique et donc la capacité de séquestration.

Le changement climatique perturbe cet équilibre : les sécheresses répétées peuvent réduire la croissance de 20 à 30%, tandis que l’augmentation des températures peut accélérer la décomposition de la matière organique dans les sols.

Enfin, les pratiques de gestion forestière constituent un levier essentiel pour optimiser la séquestration. L’itinéraire sylvicole choisi influence directement la dynamique du carbone :

  • L’intensité des éclaircies module la vitesse de croissance et la résistance aux stress.
  • La durée des rotations impacte le stockage à long terme.
  • Le mode de régénération (naturelle ou artificielle) affecte la continuité du couvert forestier.
  • Le maintien d’arbres morts ou sénescents favorise le stockage dans le compartiment bois mort.

La compréhension de ces facteurs permet aux gestionnaires forestiers d’adapter leurs pratiques pour maximiser le potentiel de stockage de leurs forêts.

Une gestion adaptative, prenant en compte l’évolution des conditions climatiques et les spécificités locales, devient indispensable pour maintenir et améliorer la fonction de puits de carbone des forêts françaises.

Cette complexité souligne l’importance d’une approche intégrée de la gestion forestière, où l’objectif de séquestration carbone doit être équilibré avec les autres services écosystémiques fournis par la forêt.

Les choix de gestion d’aujourd’hui détermineront la capacité de nos forêts à contribuer à l’atténuation du changement climatique dans les décennies à venir.

Les forêts, comme celle-ci baignée de lumière, jouent un rôle vital dans la capture du carbone. Chaque arbre est un acteur silencieux dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Lumière sur la forêt : Un trésor de stockage de carbone

Optimiser la séquestration par une gestion forestière adaptée

Les itinéraires sylvicoles favorisant le stockage

L’itinéraire sylvicole joue un rôle déterminant dans la capacité de séquestration du carbone des forêts. Les récentes études démontrent qu’une gestion forestière optimisée peut augmenter jusqu’à 20% la capacité de stockage d’un peuplement.

Cette optimisation repose sur plusieurs pratiques clés, dont l’efficacité a été démontrée sur le terrain.

Impact des pratiques sylvicoles sur le stockage carbone :

Pratique sylvicoleImpact sur le stockageDurée d’effet
Allongement des rotations+15-25%Long terme (>50 ans)
Réduction densité plantation+10-15%Moyen terme (20-30 ans)
Éclaircies modérées+5-10%Court terme (5-10 ans)
Régénération naturelle+10-20%Long terme (>30 ans)

L’allongement des cycles de production constitue l’une des stratégies les plus efficaces. En prolongeant la durée de vie des peuplements, on maximise la période de stockage actif du carbone tout en favorisant le développement d’un sol forestier plus riche en matière organique.

Les éclaircies doivent être planifiées avec précision. Des interventions modérées mais régulières permettent d’optimiser la croissance des arbres d’avenir tout en maintenant un couvert forestier continu, essentiel pour la préservation du carbone stocké dans le sol.

L’importance de la diversification des essences

La diversification des essences s’impose comme une stratégie fondamentale pour renforcer la résilience des forêts et optimiser leur capacité de stockage.

Cette approche, inspirée du concept de « forêt mosaïque », permet de maximiser le potentiel de séquestration tout en réduisant les risques liés aux perturbations climatiques.

Les forêts mélangées présentent plusieurs avantages majeurs pour le stockage du carbone :

  • Une meilleure occupation des différentes strates du sol par les systèmes racinaires
  • Une complémentarité dans l’utilisation des ressources
  • Une plus grande résistance aux stress environnementaux
  • Une diversification des vitesses de croissance et des cycles de stockage

L’association d’essences aux caractéristiques complémentaires permet d’optimiser la séquestration du carbone à différentes échelles temporelles. Par exemple, l’association de résineux à croissance rapide avec des feuillus à bois dense combine stockage rapide et stockage durable.

Les recherches récentes montrent que les peuplements mixtes peuvent stocker jusqu’à 30% plus de carbone que les monocultures, grâce à une meilleure exploitation des ressources du milieu.

Cette diversification contribue également à réduire la vulnérabilité aux risques sanitaires et climatiques, assurant ainsi la pérennité du stockage.

Il est nécessaire d’adapter le choix des essences aux conditions locales et aux projections climatiques. Les gestionnaires forestiers doivent anticiper l’évolution du climat pour sélectionner des essences capables de maintenir leur fonction de stockage dans les décennies à venir.

Cette approche proactive nécessite une connaissance approfondie des exigences écologiques des différentes essences et de leur potentiel d’adaptation.

La diversification doit également intégrer la dimension temporelle : la plantation d’essences aux cycles de croissance différents permet d’étaler dans le temps la capacité de séquestration du peuplement, créant ainsi un système plus stable et plus résilient. 

Le rôle de l’agroforesterie

L’agroforesterie émerge comme une solution innovante pour augmenter la capacité de séquestration du carbone des territoires.

Cette pratique, qui associe arbres et cultures agricoles sur une même parcelle, démontre un potentiel remarquable en termes de stockage : les systèmes agroforestiers peuvent séquestrer entre 2 et 4 tonnes de CO2 supplémentaires par hectare et par an par rapport à des parcelles agricoles conventionnelles.

Potentiel de stockage carbone des différents systèmes agroforestiers :

Système agroforestierStockage additionnel (tCO2/ha/an)Bénéfices complémentaires
Alignements intra-parcellaires3-4Protection des cultures
Haies bocagères2-3Corridors écologiques
Sylvopastoralisme2-2,5Bien-être animal
Vergers pâturés1,5-2Diversification des revenus

Cette approche ne se limite pas au stockage de carbone. L’agroforesterie contribue également à la résilience des systèmes agricoles face au changement climatique, tout en préservant la biodiversité et en améliorant la fertilité des sols.

-> Impact économique de la production forestière en France : un secteur stratégique pour l’économie nationale

Adaptation des forêts au changement climatique

L’adaptation des forêts au changement climatique devient un impératif pour maintenir leur fonction de puits de carbone. La diminution de 10% de la croissance des forêts métropolitaines sur la dernière décennie souligne l’urgence d’adopter des stratégies d’adaptation efficaces.

Plusieurs approches complémentaires se révèlent particulièrement prometteuses :

La migration assistée des essences constitue une première réponse. Le projet Giono, par exemple, évalue l’adaptation de chênes et hêtres méridionaux dans les forêts du Grand Est, anticipant les conditions climatiques futures.

L’application ClimEssences, développée par les experts forestiers, aide désormais les gestionnaires à sélectionner les essences les mieux adaptées aux conditions climatiques projetées pour leur territoire.

Cette approche scientifique permet d’optimiser les choix de plantation pour maintenir la capacité de séquestration du carbone sur le long terme.

Le développement de la sylviculture adaptative représente un autre axe majeur. Cette approche dynamique s’appuie sur plusieurs principes :

  • L’augmentation de la résilience des peuplements par la diversification
  • L’adaptation des densités de plantation aux ressources hydriques disponibles
  • Le raccourcissement des cycles sylvicoles dans les zones les plus vulnérables
  • Le maintien d’une mosaïque d’habitats favorisant l’adaptation naturelle

Les résultats des premiers sites expérimentaux sont encourageants : les parcelles gérées selon ces principes montrent une meilleure résistance aux stress climatiques, avec une réduction de 30% de la mortalité lors des épisodes de sécheresse.

L’adaptation requiert également une surveillance accrue des peuplements pour détecter précocement les signes de dépérissement et ajuster les pratiques de gestion en conséquence. Cette vigilance permet de maintenir la capacité de stockage des forêts tout en assurant leur pérennité face aux défis climatiques.

Mesurer et valoriser le stockage du carbone

Méthodes de quantification

La quantification précise du stockage de carbone forestier repose sur une combinaison de technologies et de méthodes complémentaires.

Cette approche multi-échelles permet d’obtenir des estimations fiables, essentielles pour valoriser le rôle des forêts dans l’atténuation du changement climatique.

Comparaison des méthodes de quantification du carbone forestier :

MéthodePrécisionÉchelle d’applicationCoût relatifFréquence de mise à jour
LiDAR aérienTrès élevéeMassif forestierÉlevé3-5 ans
Équations allométriquesÉlevéeParcelleModéréAnnuelle
Analyses de solTrès élevéePonctuelleModéré5-10 ans
Télédétection satelliteMoyenneTerritoireFaibleMensuelle

La télédétection forestière par LiDAR (Light Detection And Ranging) révolutionne l’estimation de la biomasse aérienne. Cette technologie génère une représentation 3D précise de la structure forestière, permettant de calculer le volume de bois et donc la quantité de carbone stockée.

Les données LiDAR offrent une précision remarquable, avec une marge d’erreur inférieure à 10% sur l’estimation des volumes.

Les équations allométriques constituent l’outil fondamental pour convertir les mesures dendrométriques en estimations de biomasse.

Ces équations, calibrées par essence et par région, permettent d’estimer la quantité de carbone stockée à partir de mesures simples comme le diamètre et la hauteur des arbres.

La France dispose aujourd’hui d’une base de données de plus de 200 équations allométriques validées pour les principales essences forestières.

L’analyse du carbone organique du sol complète ces mesures aériennes. Les protocoles standardisés de prélèvement et d’analyse permettent de quantifier précisément le stock de carbone souterrain, qui représente en moyenne 45% du carbone total stocké en forêt.

Les nouvelles techniques spectrométriques accélèrent considérablement ces analyses tout en réduisant leurs coûts.

L’intégration de ces différentes méthodes permet une approche exhaustive :

  • Le LiDAR fournit une vue d’ensemble précise de la structure forestière
  • Les équations allométriques permettent une estimation fine de la biomasse
  • Les analyses de sol complètent le bilan carbone
  • La télédétection satellite assure un suivi régulier des évolutions

Cette complémentarité des approches permet aux gestionnaires forestiers d’obtenir une vision complète du stockage de carbone dans leurs peuplements.

Les données récoltées servent non seulement à quantifier les stocks actuels mais aussi à modéliser leur évolution future, information cruciale pour adapter la gestion forestière aux objectifs climatiques.

Les avancées technologiques continuent d’améliorer la précision et l’efficacité de ces mesures.

L’intelligence artificielle, par exemple, permet désormais d’automatiser l’analyse des données LiDAR, réduisant considérablement le temps de traitement tout en augmentant la fiabilité des estimations.

Le Label Bas Carbone

Le Label Bas Carbone, créé par le Ministère de la Transition Écologique, offre un cadre innovant pour la valorisation économique du stockage carbone forestier.

Ce dispositif permet de certifier des projets sylvicoles vertueux et de commercialiser les crédits carbone générés, créant ainsi une nouvelle source de financement pour la gestion durable des forêts.

Comparaison des types de projets Label Bas Carbone en forêt :

Type de projetGain carbone moyen (tCO2/ha)Durée d’engagementCoût moyen (€/ha)
Boisement150-30030 ans3000-5000
Reconstitution100-20030 ans2500-4000
Conversion50-15030 ans1500-3000
Amélioration30-8015 ans1000-2000

Valorisation dans la filière forêt-bois

La filière forêt-bois française joue un rôle majeur dans l’atténuation du changement climatique, non seulement par le stockage en forêt, mais aussi par la valorisation du bois récolté. Cette approche globale permet d’éviter l’équivalent de 28% des émissions nationales de CO2.

Le stockage dans les produits bois prolonge la séquestration du carbone bien au-delà de la récolte. Un mètre cube de bois utilisé dans la construction stocke environ une tonne de CO2, et ce pour plusieurs décennies :

Durée de stockage selon les usages du bois :

Usage du boisDurée moyenne de stockagePotentiel de stockage (tCO2/m3)
Construction50-100 ans0.9-1.1
Ameublement20-30 ans0.8-1.0
Emballage1-5 ans0.7-0.9
Papier< 2 ans0.5-0.7

L’effet de substitution matériaux/énergie constitue un levier majeur de réduction des émissions. L’utilisation du bois en remplacement de matériaux énergivores comme l’acier ou le béton permet d’éviter des émissions significatives :

  • La substitution matériau génère une économie moyenne de 1,6 tonne de CO2 par mètre cube de bois utilisé
  • La valorisation énergétique du bois en fin de vie évite l’utilisation de combustibles fossiles
  • Les connexes de scierie alimentent une économie circulaire vertueuse

Cette approche intégrée de la valorisation carbone nécessite une gestion forestière dynamique et durable. Le renouvellement régulier des peuplements, associé à une utilisation optimisée des produits bois, maximise l’effet climatique positif de la filière.

L’innovation dans la transformation du bois ouvre continuellement de nouvelles perspectives. Les matériaux composites à base de bois, les isolants biosourcés ou encore la chimie verte élargissent le champ des possibles en matière de stockage carbone et de substitution.

La coordination entre les différents acteurs de la filière s’avère essentielle pour optimiser ces effets positifs.

Des scieries aux constructeurs, en passant par les gestionnaires forestiers, chaque maillon de la chaîne contribue à maximiser le potentiel de stockage et de substitution du matériau bois.

Défis et perspectives

Menaces sur la capacité de stockage

La capacité de séquestration du carbone des forêts françaises fait face à des défis croissants. Les données récentes révèlent une situation préoccupante : la mortalité des arbres a augmenté de 54% en une décennie, tandis que leur croissance a diminué de 10%.

Principales menaces et leurs impacts sur le stockage carbone :

MenaceImpact sur le stockageRégions les plus touchéesTendance
Sécheresses répétées-20 à -30%Grand Est, Bourgogne
Attaques de scolytes-40 à -60%Est, Vosges
IncendiesPerte totaleMéditerranée, Sud-Ouest
Tempêtes-30 à -50%Façade atlantique

Innovation et recherche

Face à ces défis, la recherche forestière développe des solutions innovantes. Le programme national d’adaptation des forêts au changement climatique mobilise les dernières avancées technologiques et scientifiques.

Les axes de recherche prioritaires comprennent :

  • Le développement d’outils de télédétection forestière de nouvelle génération
  • L’amélioration des modèles de prévision de croissance intégrant les scenarios climatiques
  • La sélection d’essences plus résilientes via des tests en conditions contrôlées
  • L’optimisation des itinéraires sylvicoles pour maximiser le stockage carbone

L’infrastructure de recherche IN-SYLVA France coordonne désormais ces efforts, mutualisant les données et les expérimentations à l’échelle nationale pour accélérer l’innovation.

Recommandations pour l’avenir

Pour maintenir et améliorer la fonction de puits de carbone des forêts françaises, plusieurs recommandations stratégiques émergent des dernières études scientifiques :

Recommandations prioritaires pour optimiser le stockage carbone :

HorizonRecommandationImpact attenduFaisabilité
Court terme (2025)Renforcer la surveillance sanitaire+10% survieÉlevée
Moyen terme (2030)Diversifier les essences+20% résilienceMoyenne
Long terme (2050)Adapter les itinéraires sylvicoles+30% stockageComplexe

La révision des objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone pour la filière forêt-bois s’impose comme une priorité. Les nouvelles données sur la vulnérabilité des forêts appellent à un ajustement des scenarios de séquestration.

L’intensification de la recherche forestière doit s’accompagner d’un transfert efficace vers les gestionnaires. La formation continue des professionnels aux nouvelles pratiques d’adaptation des forêts devient cruciale pour maintenir la capacité de stockage.

L’adoption d’une vision intégrée, considérant l’ensemble des services écosystémiques, permettra d’optimiser la contribution des forêts à l’atténuation du changement climatique tout en préservant leur multifonctionnalité.

Les stratégies d’adaptation innovantes, comme la migration assistée ou la sylviculture à couvert continu, devront être déployées à plus grande échelle, en s’appuyant sur les retours d’expérience des sites pilotes.

La mobilisation de l’ensemble des acteurs de la filière, des propriétaires aux transformateurs, reste indispensable pour relever ces défis.

Seule une approche coordonnée permettra de préserver et d’améliorer le rôle crucial des forêts françaises dans la lutte contre le changement climatique.

Un levier climatique majeur à préserver et optimiser

La capacité de stockage du carbone des forêts françaises représente un atout essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Stockant l’équivalent de 15% de nos émissions nationales, elles constituent un levier d’action incontournable pour atteindre nos objectifs climatiques.

Cependant, ce rôle crucial est aujourd’hui menacé par les effets du changement climatique. La diminution de la croissance des arbres et l’augmentation de leur mortalité appellent à une action urgente et coordonnée.

L’avenir de ce puits de carbone naturel dépendra de notre capacité à adapter la gestion forestière aux conditions climatiques futures.

Les solutions existent : diversification des essences, adaptation des pratiques sylvicoles, innovation technologique et recherche scientifique. Leur mise en œuvre requiert un engagement fort de tous les acteurs de la filière forêt-bois, soutenu par des politiques publiques ambitieuses.

Le défi est de taille, mais les forêts françaises ont le potentiel de maintenir, voire d’améliorer leur contribution à l’atténuation du changement climatique.

C’est un investissement pour l’avenir qui mérite toute notre attention et nos efforts.

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